Chez le président de la République chaque crise politique entraine une prise de conscience du fossé démocratique qui sépare les dirigeants des citoyens. Presque systématiquement, Emmanuel Macron évoque l’idée de consulter les citoyens par référendum afin de faire baisser la pression dans un pays chauffé à blanc.
Ainsi en 2019, face aux revendications des Gilets jaunes, notamment sur le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC), Emmanuel Macron envisage l’organisation d’un référendum le 26 mai 2019, en parallèle des élections européennes. Finalement, cette idée est abandonnée, et le président propose plutôt d’assouplir le Référendum d’Initiative Partagée (RIP) dans le cadre d’une révision constitutionnelle.
L’année suivante, en 2020, à l’issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron se dit favorable à un référendum pour inscrire la protection de l’environnement dans la Constitution. Cependant, en juillet 2021, le Premier ministre Jean Castex annonce que le projet est abandonné en raison du refus du Sénat.
Lors de la campagne présidentielle de 2022, Emmanuel Macron n’exclut pas le recours au référendum pour la réforme des retraites. Cependant, la réforme est finalement adoptée au Parlement sans consultation populaire.
En 2023, lors des « Rencontres de Saint-Denis » avec les partis d’opposition, le président évoque à nouveau la possibilité de recourir au référendum sur des sujets tels que l’immigration ou les retraites. Faute de consensus, aucun référendum n’est organisé.
En mai 2024, face aux tensions en Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Macron envisage un référendum sur le dégel du corps électoral. Malgré l’adoption du projet par l’Assemblée nationale et le Sénat, le Premier ministre Michel Barnier annonce en octobre 2024 l’abandon du projet.
Acculé, le président de la République hésite toujours
Le 31 décembre 2024, dans ses vœux pour la nouvelle année, Emmanuel Macron évoque une nouvelle fois la possibilité de consulter les Français par référendum sur des sujets déterminants pour l’avenir du pays. Il affirme alors solennellement qu’il demandera aux citoyens « de trancher certains de ces sujets déterminants », sans plus de précisions.
En mai dernier, les médias annoncent que le président de la République s’expliquera en direct dans une émissions politiques. Des fuites évoquent alors avec insistance l’annonce concrète de référendums, notamment sur les institutions. Mais l’émission tourne une nouvelle fois à l’exercice d’autojustification et, ce n’est que du bout des lèvres que le président de la république évoque à nouveau l’idée de consultations populaires, sans apporter aucune précision concrète.
La peur du peuple ?
La 5e République se trouve actuellement dans une situation de blocage. Au nom de la stabilité, les institutions donnent, par le biais des modes de scrutin, les pleins pouvoirs à une minorité, laquelle peut gouverner seule. Cette absence totale de partage du pouvoir et de culture de la coalition entraine paradoxalement une instabilité politique réelle et durable. Face à cette situation, l’organisation de référendums serait une façon habile de réassocier la population à la prise de décision sur certains sujets de société ou institutionnels, en mettant hors-jeu une assemblée nationale où les calculs politiciens s’opposent souvent à l’intérêt général.
Mais le président de la république ne semble pas vouloir encore se résigner à cette éventualité. Il est vrai que contrairement à une démocratie pleine, où le peuple est réellement souverain, la république, elle, s’arroge le droit exclusif de décider ce qui est bon pour le peuple, tenant ce dernier dans une éternelle et dangereuse infantilisation. La comparaison avec nos voisins helvètes est cruelle, eux qui sont consultés régulièrement aux niveaux communal, cantonal et fédéral par des votations dont les résultats ont force de loi.